Vers d'autres horizons

Quand on pense à l'Arménie, on pense aussitôt à l'artiste Charles Aznavour et à ses magnifiques chansons d'amour. Mais un autre artiste français d'origine arménienne de la même génération que le Grand Charles aurait pourtant mérité lui-aussi d'être reconnu et aimé du grand public.
Les chansons de Marc Aryan, auteur, compositeur et interprète né à Valence en 1926, sont totalement oubliées de nos jours (1), mais ce français d'origine arménienne, mort trop tôt, a pourtant composé et interprété de très belles chansons d'amour à la poésie, à la fois naïve et parfois drôle, qui fleuraient bon le bonheur d'une époque révolue : les années 60, dont le romantisme suranné avait su conquérir un jeune public.

Je t'aimais, Katy
Je t'aimais déjà
Mais tous les mots d'amour
Restaient au fond de moi
Par délicatesse, Katy
Pour un premier soir
Et parce que je pensais
Qu'on pourrait se revoir

- Extrait de Katy (1965) -

Mais il n'est pas trop tard pour découvrir ce chanteur à la voix douce et aux belles mélodies. J'ai pour ma part découvert par hasard cet artiste atypique en regardant une rediffusion de l'émission, elle-aussi atypique : L'Oeil du Cyclone. D'abord amusée en voyant ce curieux personnage ballotté par les vents sur un énorme bateau, bien emmitouflé dans un épais manteau et affublé de grosses lunettes, j'ai été peu à peu charmée par sa voix chaude, la mélodie et la poésie de sa chanson.

J'y passe des jours, j'y passe des nuits
A ordonner mille détails de mes doigts
En pensant, chérie, à toi

- Extrait de Mon petit navire (1965) -


Marc Aryan, de son vrai nom Aroutioun Henry Markarian, est né à Valence le 14 novembre 1926. Dès son plus jeune âge, Marc veut devenir chanteur, il apprend alors le solfège et le piano, puis se met à écrire ses premiers textes.

Devenu adulte, au lieu de reprendre l'affaire familiale (2), il ouvre avec succès un magasin de disques à Valence, puis grâce à un formidable talent d'homme d'affaires, il crée d'autres magasins dans toute la région lyonnaise. En 1957 Il vend tous ses magasins, et monte à Paris, mais les éditeurs ne s’intéressent pas à ses compositions, ni les chanteurs qui refusent d’interpréter ses chansons. Il achète alors une maison à Aulnay-sous-Bois, et décide de chanter lui-même ses textes.

En 1959, Marc Aryan enregistre deux titres chez Pathé-Marconi, mais l'expérience sera un bel échec. Au début des années 60, à la grande époque des années Yé Yé, Marc Aryan avait déjà 33 ans, pas évident pour lui de trouver son public ; la mode des "minets" battant son plein !
Trois ans plus tard il décide de créer son propre label de disque (Markal) et sa propre maison d'édition (Malatya) ; ainsi il pourra enregistrer et faire paraître ses propres compositions.
C'est dans la boite de nuit de sa soeur, la Barqu'à Jack à Zeebruges en Belgique, qu'il "testera" son premier disque. Les danseurs aiment sa voix et le bouche à oreille commence à opérer. Sa chanson, Ballade, apparaîtra dans son album Volage Volage en 1965. D'autre clubs, et des disquaires belges, reprendront les titres, puis, enfin, il signera avec EMI BELGIUM en 1963 un accord pour distribuer son label MARKAL. Il s'installe alors en Belgique, à Waterloo puis plus tard à Ohain.

Marc Aryan, s'inspire de toutes ses rencontres pour composer. En dirigeant lui-même un véritable orchestre composé de talentueux musiciens, il enregistre avec minutie toutes ses compositions, et voit enfin les succès se succéder, avec des titres comme Si j'étais le fils d'un roi qui sera tiré à 12000 exemplaires, où son tube le plus célèbre, Katy, qui lui a été inspiré d'une rencontre avec une jeune fille sur le port d'Anvers.
Marc Aryan commence à devenir très célèbre dans des pays comme le Liban, en Turquie, mais aussi en URSS, en Iran, et bien sûr en Arménie.

C'est en 1965, qu'il trouve son fameux look : des grosses lunettes et une perruque à la Roy Orbison.
Les albums se succèdent, et en 1975 il enregistre déjà son 7ème album, qui comprendra de nouvelles versions de ses anciens titres, comme la très émouvante chanson Istanbul.

Istanbul, Istanbul, j'ai soif de ses baisers, 
Istanbul, Istanbul, de sa peau veloutée.
J'ai faim de ses regards, 
Je voudrais la revoir
Pour abreuver mon coeur
D'un peu de bonheur.

- Extrait de Istanbul (1965) -

Son studio d'enregistrement d'Ohain voit passer des artistes aussi talentueux que Marvin Gaye, qui enregistrera en 1981, son sublime album Midnight Love. La star Anthony Quinn, chanteur à ses heures perdues(sic), viendra enregistrer quelques unes de ses "étonnantes" chansons (3). Le studio Katy de Marc Aryan enregistrera d'autres artistes, comme Patrick Hernandez et son fameux Born To Be Alive.

En avril 1985, Marc Aryan organise une tournée de concerts pour une durée de six mois aux USA, malheureusement il ne pourra pas concrétiser son grand projet, car il meurt quelques mois plus tard des suites d'un malaise.
Les douces compositions à la fois naïves et sentimentales de cet auteur-compositeur-interprète resteront longtemps en mémoire pour qui aura l'occasion de les découvrir (avec un clic rapide sur internet, ce sera désormais chose faite). Marc Aryan était un artiste qui, malgré les objections des "professionnels du disque", persista dans la création de son oeuvre ; cette volonté, propre au vrai artiste, renforce d'autant plus l'humanité qui découle de ses textes.


Post-scriptum de la Dame : Il existe un excellent site consacré, entre autre à Marc Aryan, n'hésitez pas à y faire un tour !

(1) Avec Dominique A comme artiste interprète de l'année aux Victoires de la Musique, le grand public français n'a de toute façon rien à faire de chansons telles que : Au fond de tes yeux, Parce que je t'aime, Bête à manger du foin, Toi je te garde, etc...
(2) La socièté Markal : une entreprise de fabrication de produits alimentaires à base de céréales et de riz qui existe toujours à Valence
(3) I Love You, You Love, Me et Nous deux c'est fini sont des perles du patrimoine musical mondial !


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire